Torrevieja :Environ 250 miles. La distance ne nous impressionne pas; c'est plutôt la qualité de la navigation qui nous inquiète.  Pendant la quasi- totalité du trajet, nous allons suivre la côte.  Pas de trop près,  mais la suivre quand même.  Beaucoup penseront que c'est rassurant.
Mais il faut savoir que, en mer, le danger c'est LA CÔTE.  Quand on navigue au large, en cas de mauvais temps, le vent ne risque pas de nous pousser vers la terre avec l'éventualité d'un naufrage; si on a une panne de moteur, un démâtage,  ou une avarie ne mettant pas en cause l'intégrité de la coque, on a le temps de réagir. La terre, ce n' est pas le secours, c'est le danger. Nombre de fortunes de mer auraient pu être évitées si les equipages étaient restés au large!
Voilà pourquoi cette route ne nous enchante pas.
Après un arrêt gazole à Gibraltar où il est beaucoup moins cher, nous voici longeant le rocher, la plage de la corrida, et slalomant entre les cargos au mouillage. Des alternances de brises et de calmes nous voient avancer, tantôt à la voile,  tantôt au moteur.
La première nuit se passe au moteur, sous une magnifique voûte céleste.  Peu à peu,  tout disparaît autour de nous, le brouillard nous enveloppe complètement;  il est posé sur l'eau et nous laisse voir seulement les étoiles.   Ce serait magnifique, si ce n'était si inquietant: l'A.I.S nous annonce un cargo très proche, en route collision. Nous savons où il est, mais nous ne savons si lui nous a localisé.  On ne peut pas changer de cap, car si lui nous a vu, il peut envisager une manoeuvre qui pourrait être convec la nôtre. Il faut veiller et être prêt à intervenir immédiatement.
Il nous aura localisé, passera à quelques centaines de mètres sur notre arrière.
Les jours suivants, quand le vent est là,  il est dans l'axe de la route nous obligeant à tirer des bords. Et si  notre bateau a beaucoup de qualités,  il lui en manque une : remonter au vent comme un bateau de course...

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Au bout de 4 jours et 3 nuits, nous arrivons enfin à Torrevieja. Enfin, parce que les conditions n'etaient pas agréables,  mais l'équipage est reposé et n'a pas réalisé le temps passé en mer; en mer, on est toujours hors du temps, on ne compte les jours qu' une fois arrivés...
Escale technique . Le filtre à gazole est a changer, et quelques courses restent à faire avant de remonter sur les Baléares.
Le filtre à gazole,  la belle aventure, encore. Bien sûr,  je n'en ai pas en réserve!  Alors, il faut en trouver un. Le shipchandler du port n'en a pas,  il m'envoie de l'autre côté du plan d'eau, enfin d'après ce que je comprends, car l'échange se fait en espagnol. Derrière une pompe à carburant,  j'aperçois une boutique, mais inaccessible, en territoire "sécurisé". Je finis par pénétrer l'enceinte interdite en me faufilant derrière une voiture. Et là,  pas de filtre. Le mecano local finit par m'envoyer en ville, après quelques explications assez laborieuses en anglo-espagnol. Je marche des kilomètres sous un soleil de plomb pour toucher enfin au but, ou presque. La boutique d'accessoires auto ne possède pas le modèle. Je repars, décidé à remonter le filtre d'origine après nettoyage.
Après des recherches sur le net, je redécouvre qu'il existe, de l'autre côté du port, un magasin "Accastillage Diffusion", que nous avions vu lors de notre précédent passage. Il a la pièce et nous pouvons repartir sereinement après un peu de tourisme.
Torrevieja est une région de marais salants et a un petit musée : "museo del mar y de la sal". Première surprise, c'est gratuit, et ils n'ont rien à vendre. Il y a des maquettes des salines, de bateaux, de Torrevieja à la belle epoque, des photos et divers objets en relation avec les bateaux ou les salines. Belle visite.

Puis 200 miles de traversée,  avec alternance de calmes et de brises évanescentes. La première nuit est chaude et sèche,  mais bientôt,  la visibilité se réduit,  des cargos apparaissent à l'A.I.S, et bien sûr,  c'est quand je vais me coucher, et abandonne cela à Cathy...
Dans la journée,  il fait très chaud, et pour la première fois de notre périple,  on souffre réellement de la chaleur.
La deuxième nuit nous trouve au large d'Ibiza. L'ile offre de nombreux mouillages. Nous les éliminons de notre route: nous sommes à plus de 20 miles au vent de l'île,  et on entend les boombooms des boîtes de nuit. C'est sûr,  on continue sur Mallorca, ou nous arrivons en fin d'après midi,  dans la cala Marmolls.

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Quelques petits bateaux sont encore là,  mais ne tarderont pas à partir, nous laissant la cala pour nous tout seuls. Seul ombre au tableau, les méduses,  omniprésentes. Nous ne passerons pas les deux jours prévus,  nous partirons le lendemain, direction Menorca.
Nous y arrivons au terme d'une navigation très agréable,  la plus agréable depuis notre retour en Mediterranée.
Nous mouillons à cala Trebeluja, une de nos calas préférées : une belle plage de sable blanc et une petite riviere qui ne parvient pas à se jeter dans la mer, un petit barrage naturel l'en empêche.
L'endroit n'est accessible que par la mer et des sentiers de randonnée. En fin de journée,  l'endroit est désert. Un vrai coin de paradis. Nous sommes passés l'année dernière,  en août,  il y avait au moins trente bateaux,  ce soir,  nous sommes seuls..
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.Dans la journée, deux navettes déposent leur cargaison de touristes qui viennent goûter au charme d'une plage sauvage. Ils ne restent que quelques heures et repartent, ivres de soleil et de sable chaud vers leurs hôtels climatisés.
A chaque fois que nous venons, nous ne pouvons pas résister au plaisir de remonter la rivière. Cathy fourbit son matériel de pêche, et nous voila partis. Arrivés sur la plage, il faut hisser notre annexe (dieu qu'elle est lourde!) sur la plage, pour franchir le seuil qui sépare la rivière de la mer.
Ensuite, on change de planète. L'eau est calme, tout est serein. Nous avançons à la pagaie, en prenant soin de ne pas faire bruit. Il ne faut pas effrayer les animaux. Ici, une poule d'eau, un héron, ou un canard...
Cathy accroche sa nasse à un arbre mort immergé; nous la relèverons au retour. Nous accostons pour que Cathy puisse pêcher.
Je vais me promener. Après 50 mètres dans la forêt méditerranéenne, je me retrouve dans la lande, derrière la plage. Nous étions si dépaysés que nous avions l'impression d'être à des années lumières de là.
Sur cette rivière, on voyage hors du temps, on est dans la nature originelle. Nous reviendrons bredouilles, mais peu importe.

Catastrophe :le seuil s' est rompu, libérant des tonnes d'eau douce dans la mer. Des vagues de 50 cm apparaissent à l'embouchure. L'eau de la cala est devenue marron.
Que sont devenus les animaux qui vivaient dans la rivière?
Nous assistons impuissants, à cette catastrophe écologique. Nous ne savons pas qui prévenir. Cela dure des heures.
Le lendemain, la cala est redevenue limpide, le seuil s'est reformé. Le phénomène doit être cyclique. le niveau est descendu de 50 cm.
Nous avons retrouvé émergés des endroits que nous avions connus dans nos précédents passages et qui depuis étaient submergés. La nature se regule.
A bord, la vie reprend son cours : baignade, sieste, promenade, lecture, apéro, repas.....
Je suis réconcilié avec la Mediterranée.


Prochaine escale, cala Covas.
La météo en decidera autrement. C'est pourtant, aussi, une de nos calas préférées.
Nous continuons vers l'île d'Aïre, refuge des lézards noirs.  Là encore,  la météo n'est pas avec nous.  Impossible de debarquer. Nous nous contenterons de la regarder depuis notre mouillage solitaire.

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Teulera sera notre escale suivante. Située à l'entrée de la baie de Maahon, elle est très bien abritée et ses fonds sont d'excellente tenue.
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Après une nuit tranquille, un bateau de l'autorité portuaire vient nous signifier que, sauf cas de force majeure, on ne peut rester là. Il faut impérativement fréquenter une des marinas de Mahon.
Il est extraordinaire qu'une autorité gouvernementale mette en place un racket destiné à enrichir des intérêts privés.
Je pense, qu'en termes juridiques, cela doit avoir un nom.
Et, malgré ça,  on est toujours amoureux de Menorca!

Alors, pour les prochains jours : promenade dans Mahon, visite de la distillerie de gin, concert d'orgues et bien sûr, tapas...


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Le bar à tapas que nous avions connu avec Epoxie. Les chiens y étaient interdits, comme partout. Quand une patrouille de police se profilait,le patron nous la faisait cacher..

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