A Madère, nous avons fait la connaissance d’un Ă©quipage français. Le bateau nommĂ© Chimère est un vĂ©nĂ©rable « yack Â» breton de 9m ; il porte allègrement ses 58 ans. Lionel et Françoise sont partis de l’Île aux Moines (Morbihan) et ont tranquillement taillĂ© leur route jusque lĂ . Ils attendent un Ă©quipier pour la prochaine Ă©tape.
Ensemble, nous surveillons les fichiers Grib (cartes de prévision météo numériques) qui nous donneront le signal de départ.
grib.PNG Nous naviguerons donc de conserve (dixit HĂ©naff le grand). Nous sommes convenus que nous aurons une vacation radio chaque jour, Ă  18h.
Le dimanche 29 juin, nous partons vers midi, alors que Lionel préfère attendre la fin de la sieste. La météo nous prévoit un vent de nord est, ce qui devrait nous convenir. La force du vent devrait rester modérée à faible, avec peut-être un trou dans la bulle (anticyclone des Açores) aux alentours du troisième/quatrième jour. Mais les prédictions au-delà de 3 jours restent aléatoires.
Les conditions de départ sont un peu inquiétantes car le vent, dans le port est beaucoup plus fort que prévu. Les choses s’arrangent une fois sortis. Les montagnes des alentours accéléraient les courants d’air, mais une fois dégagés, c’est plus tranquille.
A la sortie de la baie de Porto Santo, nous sommes accueillis par une délégation de l’office de tourisme pour nous souhaiter bon voyage. Les dauphins sont là, au moins une bonne vingtaine à nous escorter en caracolant près de l’étrave. On ne se lasse jamais de ce spectacle.
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Comme prévu, une jolie brise nous pousse dans la bonne direction. Le bateau marche tranquillement entre 5 et 6 nœuds.
Nous laissons Madère à bâbord. Elle reste fantomatique, tel un mirage qui surmonte les nuages.
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Notre première nuit en mer se passe sereinement malgré une couverture nuageuse très dense qui nous cache les étoiles. Pour une fois, il n’y a pas d’humidité et il fait doux.
Au matin, une mauvaise surprise : l’alarme du gestionnaire de batterie se dĂ©clenche : la tension est arrivĂ©e en dessous du seuil critique. C’est d’autant plus surprenant que le seul gros consommateur Ă©lectrique est le rĂ©frigĂ©rateur et que vu la capacitĂ© de nos batteries (320 AH) ce ne sont pas les quelques 26 AH qu’on a tirĂ©s qui devraient les mettre Ă  plat. Force est de conclure qu’elles sont endommagĂ©es, pour ne pas dire plus. Le ciel est gris, les panneaux ne fournissent rien, alors on dĂ©cide de dĂ©marrer le moteur pour tenter de les recharger. Cela ne servira Ă  rien, le scĂ©nario se reproduira les jours suivants. Il suffira de couper le rĂ©frigĂ©rateur 4h la nuit pour pallier au problème.
L’après-midi du deuxième jour, le vent forcit et on trouve à nouveau avec 2 ris dans la grand-voile. Une belle houle de 2m se forme et le bateau taille sa route dans des conditions de confort appréciable. Nous pensons souvent à Chimère, plus petit que nous, très bas sur l’eau, à bord duquel ce doit être plus humide et remuant. Aux premières vacations que nous avons eues avec eux, Lionel était content des performances de son bateau et ne faisait aucune allusion à l’inconfort dans lequel ils étaient.
Le troisième soir, impossible d’établir une liaison radio, ça peut arriver. Les conditions météo sont toujours musclées, mais ça avance très bien.
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Le matin du quatrième jour, la vigie crie « TERRE Â» ; c’est toujours un moment Ă©mouvant de la voir apparaitre Ă  l’endroit oĂą on l’attendait ; on en vient Ă  se prendre pour de grands marins, de ceux qui dĂ©couvraient des continents nouveaux ; il faut reconnaitre que, avec des bateaux qui marchent nettement mieux que les caravelles de Christophe Colomb, des cartes exactes et le GPS , on a beaucoup moins de mĂ©rite ! Mais quand mĂŞme, on y pense…
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Nous arrivons donc au terme de 4 jours de navigation formidable. A l’approche de la terre, le vent forcit, on prend le troisième ris. Dans les rafales, on estime qu’il monte Ă  force 9, on se met Ă  naviguer comme en dĂ©riveur : un Ă  la barre, l’autre Ă  l’écoute de grand-voile pour la laisser filer dans les surventes. Heureusement que cela ne dure pas longtemps, nous sommes arrivĂ©s. L’arrivĂ©e dans un port inconnu est toujours un instant un peu magique et un peu inquiĂ©tant. Le vent qui souffle fort peut nous empĂŞcher de manĹ“uvrer Ă  notre guise, quand on ne sait pas oĂą aller, il faut parfois improviser. Nous accostons sur ponton facile d’accès, et lĂ , un marinero nous accueille en nous proposant plusieurs places ; nous n’avons pas cette habitude. Une fois les formalitĂ©s accomplies, nous informons la capitainerie qu’un bateau ami doit arriver (Chimère), mais qu’on n’a aucune nouvelle de lui. Le soir, Ă  l’heure de la vacation, toujours rien. Les raisons d’échec d’une vacation sont multiples : mauvaises conditions de propagation des ondes, radio en panne, problème Ă©lectrique, manĹ“uvres qui font manquer l’heure (ou saoulerie gĂ©nĂ©ralisĂ©e !!!), et j’en passe, sans oublier le naufrage ! Ça fait partie des alĂ©as de la navigation. Ils arriveront vers 23h après une navigation très Ă©prouvante, comme on s’en Ă©tait doutĂ©. Maintenant, il nous reste Ă  dĂ©couvrir l’île. Nous avons dĂ©jĂ  fait la connaissance de Jean-Baptiste, un insulaire, qui après avoir vĂ©cu aux États Unis, au Canada, est revenu dans son Ă®le natale pour y vivre paisiblement en famille. Avec une gentillesse toute portugaise, il est venu vers nous avec un grand sourire. il nous a racontĂ© l’histoire des baleinières stationnĂ©e devant le « Clube Navale ». Alors vive le Portugal Insulaire.